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La vidéosurveillance en entreprise

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La vidéosurveillance en entreprise

18 avril 2022
La vidéosurveillance a connu un essor significatif au cours de ces dix dernières années, en de nombreux lieux publics. L’entreprise n’échappe pas à cet engouement, qui peut apparaître légitime compte tenu de ses aspirations à préserver ici la santé et la sécurité des salariés, là à veiller au respect des process en raison de la dangerosité de l’activité, là encore à enrayer les vols dont elle est l’objet. L’instauration de cette vidéosurveillance est strictement encadrée.
Examinons les conditions requises pour une vidéosurveillance licite.
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Si « chacun a droit au respect de sa vie privée » (article 9 du Code Civil), le Code du Travail prévoit des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives dès lors qu’elles sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [et] proportionnées au but recherché » (article L 1121-1 du Code du Travail).

Sur la base de ces dispositions, la jurisprudence et la CNIL ont érigé un cadre d’instauration d’un système de vidéosurveillance en entreprise.

Tout d’abord, les conditions de sa mise en place seront plus nombreuses selon que l’entreprise accueille ou non du public.

Dans l’hypothèse où l’entreprise reçoit du public, elle doit préalablement obtenir l’autorisation du Préfet du Département.

Cette autorisation peut être obtenue en adressant un formulaire qui peut être téléchargé sur le site Internet du Ministère de l’Intérieur et rempli en ligne.

L’autorisation est acquise pour une durée de 5 ans, renouvelable.

Cette condition est propre aux entreprises accueillant du public.

Pour toutes les entreprises – et en dehors de cette condition – qu’elles accueillent ou non du public, elles devront par ailleurs respecter de nombreux autres critères.

Ainsi, et dans la mesure où « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance » (article L 1222-4 du Code du Travail), l’entreprise devra préalablement informer les salariés de la mise en œuvre d’un procédé de vidéosurveillance.

De la même façon, et compte tenu du fait que « le Comité est informé et consulté préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés » (article L 2312-38 du Code du Travail), le CSE fera l’objet nécessairement d’une information et consultation préalable à la mise en œuvre de cette vidéosurveillance.

Les salariés, comme le CSE, seront informés de la finalité du traitement instauré, de la durée de conservation des images, de l’identité du Délégué à la protection des données personnelles, de l’existence de droits « Informatique et libertés », du droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL en précisant ses coordonnées.

Concernant la finalité du traitement installé, l’entreprise devra veiller à respecter la finalité qu’elle s’est elle-même fixée, sans pouvoir assurer un contrôle de l’activité du salarié si toutefois la finalité du traitement demeurait celle d’une protection des personnes ou des biens.

Il en va de même de la durée de conservation des images, qui ne peut excéder celle évoquée aux salariés et au CSE.

Partant, toute sanction disciplinaire qui serait prononcée à l’encontre d’un salarié en dehors des limites que l’employeur s’est lui-même fixé s’exposerait à être considérée comme dépourvue de fondement.

Outre l’information préalable des salariés et du CSE lorsqu’il existe, l’entreprise doit veiller au respect du RGPD.

Ainsi, elle doit consacrer un certain nombre de droits aux personnes concernées par un traitement de leurs données à caractère personnel, et notamment :

– Un droit d’accès qui permet à un salarié ou ancien salarié de demander l’accès à ses données, aux finalités de traitement, aux destinataires, à la durée de conservation.

– Un droit de rectification lorsque les données personnelles sont inexactes.

– Un droit d’opposition notamment si le salarié conteste la légitimité des motifs poursuivis.

– Un droit à l’effacement qui permet au salarié de demander à l’entreprise d’effacer l’ensemble des données collectées dans une certaine limite.

– Un droit à la portabilité qui permet au salarié de récupérer une partie des données et de les réutiliser.

L’entreprise doit par ailleurs prendre toutes les mesures techniques et organisationnelles pour assurer la confidentialité des données à caractère personnel.

Il sera souhaitable d’introduire au règlement intérieur la mention relative au projet de vidéosurveillance pour permettre à une juridiction, le cas échéant saisie d’une demande de re-qualification d’un licenciement en licenciement nul à raison d’un procédé de preuve illicite ou disproportionné, d’évoquer la finalité de cette vidéosurveillance, le nombre, l’emplacement, l’orientation, ainsi que les fonctionnalités et les périodes de fonctionnement des caméras.

A cet effet, la jurisprudence avait retenu que l’enregistrement du comportement d’une salariée ne pouvait constituer un mode de preuve licite dès lors qu’il était effectué à son insu (caméra dissimulée à proximité de la caisse d’une vendeuse).Cass. Soc., 20 novembre 1991, n°88-43.120

Dans une autre affaire, la Cour de cassation avait déclaré irrecevables les enregistrements des caméras placées à l’entrée de la société cliente utilisés par l’entreprise pour prouver que les salariés d’une société de nettoyage effectuant leur travail chez un client et réclamant des primes habillage, s’étaient habillés pendant leur temps de travail en raison de l’absence d’information préalable. Cass. Soc., 10 janvier 2012, n°10-23.482

En revanche, un dispositif de vidéosurveillance installé dans un local non affecté au travail constitue un mode de preuve licite (caméras situées dans un entrepôt de rangement dans lequel les salariés ne travaillaient pas). Cass. Soc., 31 janvier 2001, n°98-44.290
 – Cass. Soc., 11 décembre 2019, n°17-24.179

Ainsi, une caméra installée dans un but de sécurisation d’une zone de stockage non ouverte au public révélant qu’un salarié s’était livré à des pratiques de voyeurisme dans les toilettes pour femmes avait permis de sanctionner valablement ce salarié. Cass. Soc., 22 septembre 2021, n°20-10-843

L’entreprise devra également veiller à ne pas soumettre à une surveillance constante ses salariés.

La Cour de cassation a ainsi estimé qu’est attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné à l’objectif de sécurité des personnes et des biens allégué par l’employeur le fait de soumettre à la surveillance constante d’une caméra un salarié exerçant seul son activité dans les locaux de l’entreprise, en l’espèce une pizzeria. Cass. Soc., 23 juin 2021, n°19-13.856

De la même façon, le procédé mis en place ne doit pas être disproportionné quant au nombre de caméras et à leur emplacement.

Ainsi, a été jugée disproportionnée l’installation de 240 caméras au sein d’un centre commercial filmant les accès aux toilettes, salles de pause, vestiaires, cabinet médical.

Toutefois, il est à noter que la position de la jurisprudence évolue sensiblement au cours de ces derniers mois, et plus particulièrement depuis un arrêt rendu le 10 novembre 2021 aux termes duquel elle estime que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le Juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ». Cass. Soc., 10 novembre 2021, n°20-12.263

Le droit à la preuve semble donc gagner du terrain.

Il n’en demeure pas moins que pour mener à bien une procédure de licenciement se fondant sur l’enregistrement de vidéos, il sera souhaitable d’éviter tout débat judiciaire en respectant les conditions ci- avant énoncées.

Source photo : Envato Elements

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Lexique

Plan de sauvegarde de l’emploi : il est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés qui envisagent au moins 10 licenciements sur 30 jours et constitue l’ensemble de mesures dont l’objet est d’éviter les licenciements ou d’en limiter le nombre ; il intègre un plan de reclassement.

Rupture conventionnelle collective : ce dispositif permet à l’entreprise de prévoir, par accord collectif, les suppressions d’emplois en dehors de tout licenciement pour motif économique.

Plan de départ volontaire instauré par la pratique : le plan de départ volontaire est une alternative au licenciement classique pour motif économique.

Salariés bénéficiant d’un statut protecteur dont le régime est défini par le Code du Travail (élus, DS, anciens élus ou anciens DS dans une durée limitée, candidats aux élections, …).

Le délit d’entrave est une infraction pénale visée par l’accomplissement ou le non-accomplissement des obligations qui incombent à l’entreprise, la mise en place du fonctionnement des institutions représentatives du personnel.