
Tour d’horizon des principaux changements de deux d’entre elles :
Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective :
La Convention de Branche reçoit pour mission de définir les conditions d’emploi et de travail de salariés, selon une liste énumérant limitativement les matières sur lesquelles porte la Convention de Branche.
Cette liste énoncée à l’article L 2253-1 à venir en cible 11, dont notamment :
- les salaires minima hiérarchiques (SMH)
- les classifications
- les garanties collectives complémentaires
- Les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires énoncés aux articles L3121-14, L3122-16, au premier alinéa de l’article L3123-19 et aux articles L3123-21 et L3123-22 du présent code
- les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminés et aux contrats de travail temporaire énoncées aux articles L1242-8, L1242-13, L1244-3, L1251-12, L1251-35 et L1251-36 du présent code
- l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
- les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai, etc.
Dans ces matières, l’accord de branche prévaudra donc sur la « Convention d’entreprise » ; peu importe que cette dernière ait été conclue avant ou après l’accord de branche, sauf si elle apporte des garanties au moins équivalentes, auquel cas elle pourra y déroger.
Le gouvernement réaffirme par ces termes le principe de hiérarchie des normes ainsi que le principe de faveur, ce dernier étant propre au Droit du travail.
Néanmoins, dans les autres matières que celles énumérées dans l’article précité, la « Convention d’entreprise » prévaudra sur l’accord de branche, quelle que soit la date d’entrée en vigueur de celle-ci (art. L 2253-3 nouveau du Code du travail).
L’accord d’entreprise peut également déroger à l’accord de branche pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi » (art. L 2254-2 nouv.)
Dans ce contexte, l’accord d’entreprise pourra donc aménager la durée du travail (modalités et répartition), aménager la rémunération, voire même déterminer une mobilité professionnelle, sans que cela ne méconnaisse les dispositions de l’article L 2253-1 à venir.
Cela élargit donc le champ de négociation des accords d’entreprises dits « offensifs » ou « défensifs », puisque le gouvernement prévoit la faculté de négocier un accord d’entreprise dans un sens moins favorable à l’accord de branche pour les domaines relevant de sa compétence et sur lesquels on ne peut, par principe, déroger, excepté dans le seul cas où il faille « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise », ce qui laisse place à une quantité plus ou moins importante de situations non couvertes par la préservation ou le développement de l’emploi.
Le gouvernement prévoit que les dispositions de cet accord d’entreprise se substitueront de plein droit aux dispositions contraires du contrat de travail.
Exemple : un salarié dont l’entreprise a adopté un accord prévoyant la baisse de la rémunération de la catégorie à laquelle il appartient, en raison des nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, ne pourra pas refuser cette diminution qui s’impose à lui, et s’exposera dans ce cas, à un licenciement.
Le licenciement notifié subséquemment reposera sur une cause réelle et sérieuse.
Autre nouveauté : l’action en nullité de l’accord se prescrit par deux mois, à compter, soit des formalités de publicité, soit des formalités de notification aux organisations syndicales représentatives (OSR).
Le juge annulant l’accord, pourra décider que l’annulation n’aura pas d’effet rétroactif et qu’elle ne produira d’effet que pour l’avenir ou bien alors, pourra moduler les effets de sa décision dans le temps.
Ces dernières dispositions sont pour le moins sujet à débat…
Autre évolution : la validation par référendum à la majorité des 2/3 des salariés de l’entreprise d’un projet d’accord dans les entreprises de moins de 11 salariés.
Il n’est donc plus nécessaire d’en passer par un mandatement d’un des salariés de l’entreprise auprès d’une OSR.
Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail :
- Mise en ligne d’une version numérique du Code du travail à l’horizon 2020 en vue de vulgariser les dispositions du Code.
- Plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de licenciement irrégulier :
L’article L1235-3, applicable aux entreprises de plus de 11 salariés, serait ainsi remplacé :
« Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes) |
Indemnité minimale |
Indemnité maximale (en mois de salaire brut) |
0 |
Sans objet |
1 |
1 |
1 |
2 |
2 |
3 |
3 |
3 |
3 |
4 |
4 |
3 |
5 |
5 |
3 |
6 |
6 |
3 |
7 |
7 |
3 |
8 |
8 |
3 |
8 |
9 |
3 |
9 |
10 |
3 |
10 |
11 |
3 |
10 ,5 |
12 |
3 |
11 |
13 |
3 |
11,5 |
14 |
3 |
12 |
15 |
3 |
13 |
16 |
3 |
13,5 |
13 |
3 |
11,5 |
14 |
3 |
12 |
15 |
3 |
13 |
16 |
3 |
13.5 |
17 |
3 |
14 |
18 |
3 |
14,5 |
19 |
3 |
15 |
20 |
3 |
15,5 |
21 |
3 |
16 |
22 |
3 |
16,5 |
23 |
3 |
17 |
24 |
3 |
17,5 |
25 |
3 |
18 |
26 |
3 |
18,5 |
27 |
3 |
19 |
28 |
3 |
19,5 |
29 |
3 |
20 |
30 et au-delà |
3 |
20 |
Ces indemnités n’ont évidemment plus rien à voir avec celles jusqu’alors fixées par le Code.
Ainsi, pour un salarié de 2 ans et 3 mois d’ancienneté dont le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité qui lui sera allouée sera de 3 mois, sans qu’il ne soit possible pour le juge d’aller au-delà, alors même que ce salarié peut actuellement prétendre, en vertu des dispositions actuelles, à 6 mois de salaires bruts minimum, sans qu’il n’y ait pour l’heure de plafond.
Cela revient, pour certains types de demandes, à se poser la question légitime de l’opportunité d’intenter une action en justice à l’égard de son ancien employeur.
Si l’on se place du côté du salarié, celui-ci pourra néanmoins le cas échéant formuler d’autres demandes qui ne seront pas, pour la plupart d’entre elles, soumises à un plafond.
Tel est le cas du licenciement nul, résultant de faits de harcèlement moral ou sexuel ou d’une discrimination ou d’une atteinte à une liberté fondamentale, ou bien encore d’une méconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes, dont l’indemnité reste fixée à 6 mois de salaires bruts minimum.
Tel est le cas encore des circonstances vexatoires entourant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquelles forment un préjudice distinct de la rupture abusive du contrat de travail.
Ne sont également pas concernées toutes les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail : rappels de salaires, rappels sur heures supplémentaires, dommages-intérêts pour rupture d’égalité de traitement, etc.
Finalement, si ce plafond visait à rassurer les entreprises du « coût » que pouvait représenter un contentieux aux prud’hommes, il ne saurait leur permettre de déterminer réellement le montant prévisible en cas de condamnation, puisque ces plafonds ne s’appliqueront qu’aux licenciements sans cause réelle et sérieuse.
A noter que le texte prévoit que pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L1235-12, L1235-13 et L1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
Cela revient donc à permettre au juge d’allouer une indemnité symbolique de l’ordre de l’euro symbolique au salarié qui aura perçu par ailleurs une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle équivalente à 3 mois de salaires bruts, indemnité minimale fixée par le projet d’ordonnance.
Pour les entreprises employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux seront les suivants, sans que le projet ne prévoie d’indemnité maximale :
Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes) |
Indemnité minimale (en mois de salaire brut) |
0 |
Sans objet |
1 |
0,5 |
2 |
0,5 |
3 |
1 |
4 |
1 |
5 |
1,5 |
6 |
1,5 |
7 |
2 |
8 |
2 |
9 |
2,5 |
10 |
2,5 |
Le juge n’est donc pas tenu à un plafond et retrouve une partie de son pouvoir souverain d’appréciation dans le montant de l’indemnité de licenciement.
Autre évolution : la prescription en matière de rupture du contrat de travail se réduit de deux ans à douze mois, comme pour le licenciement pour motif économique, à l’exception près que ce délai ne doit pas nécessairement figurer dans la lettre de licenciement (Art. L1471-1 nouv.)
Autre précision : celle des modalités de recours des avis, conclusions écrites et indications émises par le médecin du travail.
La Loi Travail du 6 août 2016 et son décret d’application pour la partie relative à la santé au travail du 27 décembre 2016 avaient omis de préciser un certain nombre d’éléments pour que les praticiens, avocats, entreprises, et médecins du travail puissent appréhender le texte.
C’est chose faite désormais avec l’évocation de l’organisation des recours devant le Conseil de prud’hommes statuant en référé.
Ces modalités sont précisées au chapitre 5 de l’ordonnance.
Autre changement : l’ordonnance prévoit également la mise en place d’une « rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif portant sur un plan de départ volontaire », et fixe les conditions de négociation de l’accord.
Quelques retouches sont également apportées au licenciement pour motif économique et à l’obligation de reclassement qu’il induit, notamment de par la suppression des IRP telles qu’on les connaît actuellement : disparition du CE, DP, CHSCT ; instauration d’un Comité social et économique, qui sera informé et consulté durant la procédure, et sur lequel nous reviendrons dans un prochain article.
Le gouvernement consolide également le régime du télétravail, initié par la Loi WARSMANN du 22 mars 2012.
Par ailleurs, et aux termes de ce projet d’ordonnance, le gouvernement prévoit de confier aux partenaires des branches le soin de déterminer les conditions de recours aux CDD et aux contrats temporaires avec cette faculté d’en déterminer la durée, celle-ci pouvant excéder la durée légalement prévue de 18 mois, et les modalités de détermination des délais de carence.
L’indemnité légale de licenciement est désormais allouée à toute personne disposant d’une ancienneté supérieure à 8 mois, contre 1 an auparavant.
Enfin, le gouvernement précise les modalités de recours au prêt de main d’œuvre ; sujet qui ne cesse de poser difficulté pour les entreprises.
Est désormais envisagé le prêt de main d’œuvre lucratif, pour les entreprises utilisatrices qui ont moins de 8 ans d’existence et disposent de moins de 250 salariés.
Nous évoquerons, dans un prochain article, les principaux changements des trois autres projets d’Ordonnances, notamment la suppression des IRP telles qu’elles existent aujourd’hui (CE, DP, CHSCT) et la création de nouvelles instances représentatives du personnel.
Si ce sujet vous intéresse, des formations sont organisées pour vous informer, débattre et échanger sur l’actualité en Droit du Travail.