Quel bilan tirer de la nouvelle instance unique : le CSE?
Il peut s’avérer opportun pour une entreprise, avant le prochain renouvellement du CSE, de faire un bilan des avantages et inconvénients répertoriés à propos de cette nouvelle instance, de sorte d’envisager éventuellement d’adapter le fonctionnement du CSE pour les années à venir.
L’intérêt principal d’initier un tel bilan, avant la mise en place des nouvelles élections professionnelles, est de se laisser l’opportunité de négocier un accord d’entreprise, ou un accord avec les membres du CSE lorsque cela est possible, portant sur le CSE.
En effet, l’application du socle minimal contenu dans les dispositions supplétives du Code du travail a parfois eu pour conséquence d’ôter du sens à cette nouvelle instance (multiplication des questions relatives à la sécurité et aux conditions de travail alors qu’elles étaient auparavant limitées à une réunion trimestrielle du CHSCT; demande d’accès à de nombreux documents conformément au socle minimal des dispositions supplétives, mais dont la pertinence fait parfois débat, etc.).
Dans ces conditions, réaliser un diagnostic sur le fonctionnement du CSE avant d’organiser les futures élections faciliterait l’émergence de constats au titre desquels des solutions pragmatiques pourraient être envisagées au cas par cas.
En effet, rappelons que de nombreuses thématiques relatives au CSE peuvent faire l’objet d’un accord d’entreprise, voire parfois, en l’absence de délégué syndical, d’un accord conclu entre l’employeur et le CSE.
Au titre des dispositions pouvant faire l’objet d’un accord, figurent notamment les sujets suivants :
* La modification du nombre et de la composition des collèges électoraux (pour mémoire, seul un accord signé par toutes les organisations syndicales dans l’entreprise peut procéder à cette modification, ce qui peut s’avérer intéressant afin d’assurer une représentation spécifique des différentes catégories de personnel au sein de l’entreprise, et limiter ainsi les difficultés rencontrées pour répartir le personnel entre les deux collèges électoraux prévus par le Code du travail, qui ne correspondent pas toujours à la réalité de l’effectif de l’entreprise). (L 2314-12 Code du travail)
* La diminution de la durée des mandats en fixant une durée comprise entre 2 et 4 ans (L 2314-34 Code du travail)
* Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la possibilité de fixer le nombre de réunions annuelles du CSE (qui ne peut être inférieur à six), le contenu, la périodicité et les modalités des trois grandes consultations récurrentes du CSE (orientations stratégiques, situation économique et financière, politique sociale), etc. (L 2312-19 Code du travail)
* La détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts (L 2313-2 Code du travail).
* L’organisation des réunions par visioconférence au-delà de trois réunions par année civile (L 2315-4 Code du travail);
* Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la fixation du nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes (L 2315- 79 Code du travail);
* Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la définition de l’organisation, de l’architecture, du contenu de la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE) mise à disposition du CSE, et de ses modalités de fonctionnement (L 2312-21 Code du Travail).
* La mise en place d’une CSSCT (Commission Santé, Sécurité et Conditions de travail), y compris dans les entreprises de moins de 300 salariés, qui traiterait des questions liées à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, pour désengorger le CSE de ces questions. (L 2315-41 Code du travail)
Une fois ces réflexions posées, il convient d’anticiper les délais impératifs qui s’appliqueront au renouvellement du CSE.
C’est à l’employeur de prendre l’initiative d’organiser le renouvellement du CSE, sans quoi il s’expose à commettre un délit d’entrave.
Dans ces conditions, il doit informer le personnel de l’organisation des élections par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information.
En pratique, l’employeur informe le personnel par voie d’affichage.
Le document ainsi diffusé doit préciser la date envisagée pour le premier tour, qui doit se tenir, au plus tard, le 90ème jour suivant la diffusion dudit document (L 2314-4 Code du travail).
Ainsi, le premier tour des élections pour le renouvellement du CSE aura lieu au plus tard 90 jours après la diffusion de la note d’information et dans les 15 jours qui précèdent la fin des mandats en cours.
En effet, dans l’hypothèse où un second tour doit être organisé (en cas d’absence de quorum, d’absence totale ou partielle de candidature ou de vacance partielle de sièges), celui-ci doit avoir lieu dans les 15 jours à compter du 1er tour.
Par ailleurs, l’invitation des organisations syndicales à venir négocier le protocole d’accord préélectoral, dans le cadre du renouvellement du CSE, doit être effectuée deux mois avant l’expiration du mandat des délégués en exercice (L 2314-5 Code du travail).
L’ultime délai devant être respecté par l’employeur concerne le délai minimal de 15 jours entre l’invitation des syndicats à venir négocier et la première réunion de négociation du protocole d’accord préélectoral (L 2314-5 Code du travail).
Exemple: si la fin des mandats des élus en cours se situe le 15 juin 2022: le premier tour pourra être organisé le 1er juin 2022 et le second tour le 15 juin 2022. L’affichage de la note d’information pourra intervenir à compter du 3 mars 2022, et l’invitation des organisations syndicales devra être effectuée avant le 15 avril 2022, la première réunion de négociation pourra se tenir a minima 15 jours après l’invitation des organisations syndicales.
Anticiper les élections est donc primordial dans la mesure où le processus peut s’étendre approximativement sur deux mois, et au maximum pendant 90 jours entre la première étape (l’affichage de la note d’information), et le premier tour des élections.
L’étape primordiale du calcul des effectifs
Le calcul des effectifs est une étape importante dans la mesure où le passage à un seuil de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs conditionne la mise en place obligatoire d’un CSE, et où le passage au seuil de 50 salariés pendant 12 mois consécutifs déclenche le passage à un CSE disposant des attributions étendues. Les obligations liées à un franchissement de seuil en la matière sont soumises aux dispositions des articles L 1111-2 et L 1111-3, qui fixent les règles applicables au calcul de l’effectif.
En considération de ces dispositions, il convient d’effectuer un calcul de l’effectif en équivalent temps plein (ETP), mois par mois, en tenant compte des dispositions légales suivantes :
* Les salariés en CDI à temps plein comptent pour une unité (y compris s’ils sont en télétravail, en activité partielle, si leur contrat de travail est suspendu, s’ils sont en période d’essai ou en cours de préavis);
* Les salariés en CDI à temps partiel sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leur contrat de travail par la durée légale ou conventionnelle de travail applicable dans l’entreprise;
* Les salariés en CDD, les salariés temporaires et, sous certaines conditions, les salariés mis à disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l’entreprise au cours des 12 mois précédents ;
* Une double proratisation est effectuée pour les CDD à temps partiel en fonction de leur temps de présence au cours des 12 derniers mois et au prorata de leur durée de travail. Certains salariés ne sont jamais pris en compte dans le calcul de l’effectif, en ce qui concerne le CSE, il s’agit notamment des apprentis, des salariés recrutés en CDD pour remplacer un salarié absent ou bien encore des stagiaires.
Le calcul de l’effectif prévisible au jour du premier tour sera également déterminant pour fixer le nombre de représentants du personnel à élire (Cass. Soc. 7 mars 1990, n°89-60156).
Il est donc primordial d’appréhender correctement le calcul des effectifs afin de connaître l’étendue de ses obligations en matière de CSE.
La négociation du protocole d’accord préélectoral: une autre étape essentielle
L’employeur est tenu d’engager une négociation relative au protocole d’accord préélectoral (PAP).
Dans ces conditions, il doit informer, par tout moyen, les salariés de l’organisation des élections et inviter les organisations syndicales représentatives à négocier le PAP et à établir les listes de leurs candidats les organisations syndicales suivantes (L2314-5 Code du travail):
* Toutes les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concernés ;
* Les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement;
* Les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement;
* Les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel.
Il n’est pas inutile de rappeler que, dans l’hypothèse d’un renouvellement du CSE, cette invitation doit être adressée deux mois avant l’expiration du mandat des élus en exercice et en respectant un délai minimal de 15 jours entre l’invitation des syndicats à venir négocier et la première réunion de négociation du PAP (L 2314-5 Code du travail).
Le défaut d’invitation des organisations syndicales constitue, de plein droit, une cause d’annulation des élections (Cass. Soc. 2 mars 2011, n°10- 60201).
Il est donc vivement recommandé d’inviter les organisations syndicales par Lettre recommandée avec accusé de réception, afin de se ménager la preuve du respect de cette obligation.
Afin de veiller à son obligation de loyauté, l’employeur est tenu, de fournir « aux organisations syndicales appelées à la négociation [et qui s’y présentent], l’ensemble des informations utiles à la détermination de l’effectif et des listes électorales » (Cass. Soc. 13 mai 2009, n°08-60530).
Naturellement, l’employeur doit s’assurer, avant la transmission des documents, d’ôter les éléments confidentiels relatifs notamment à la rémunération des salariés (Cass. Soc. 6 janvier 2016, n°15-10975).
Le PAP est un document précieux pour le déroulement des élections professionnelles, dans la mesure où il détermine notamment la répartition des sièges et du personnel entre les différents collèges, la proportion de femmes et d’hommes, le calendrier des élections, etc.
Il rappelle également les conditions liées à l’éligibilité et à l’électorat.
Dans ces conditions, sa validité est subordonnée à une double majorité. Il doit être signé (L 2314-6 Code du travail):
* Par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation;
Dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise.
La modification du nombre et de la composition des collèges électoraux et la tenue des élections en dehors du temps de temps supposent même un accord unanime.
Si aucune organisation syndicale ne répond à l’invitation, ou en l’absence d’accord sur le PAP, l’employeur peut fixer unilatéralement les modalités d’organisation des élections, en veillant scrupuleusement aux dispositions légales.